Que faire, à partir des ordres de l’amour, face aux injustices économiques? Comment équilibrer l’échange, donner et recevoir? Comment équilibrer le mal infligé?

Pour commencer, nous nous situons dans un contexte systémique, dans lequel nous sommes tous au service de quelque chose de plus grand. Dans son livre « Die Quelle braucht nicht nach ihrem Weg zu fragen », Bert Hellinger dit que: « La grande Âme, quelle qu’elle soit, détermine et prend à son service chacun de nous, d’une manière ou d’une autre. A certaines personnes il échoit un service agréable, à d’autres un service désagréable. A certaines il échoit un service de guérison, à d’autres un service de destruction, un service terrible. Mais cela n’en reste pas moins le même service. Vu depuis l’âme, depuis la grande Âme, c’est le même service. Nul ne peut s’opposer à cette âme.

Et cependant, il se trouve des personnes qui s’imaginent que le monde leur a été remis, comme s’il fût possible qu’ils pussent l’annihiler si cela était de leur goût, et comme s’il pût y avoir d’autres personnes pour le sauver, si tel était leur désir. Ces personnes sont déconnectées du courant. (…)

Ceci implique des conséquences en ce qui concerne nos croyances face aux coupables et aux victimes. Ils rendent tous le même service. Si nous abordons ceci avec sérieux, nous voyons qu’ils accomplissent le même service. Les bons, ceux qu’on appelle bons, et ceux qu’on appelle mauvais accomplissent le même service. Cette croyance met fin à l’arrogance et à l’orgueil. (…)

Avec cette perspective, nous pouvons devenir humbles et nous pouvons consentir au monde tel qu’il est, sans la prétention de vouloir l’améliorer. Comme si ce n’était pas la grande Âme qui le dirigeait, tel qu’elle le veut. Nous-mêmes sommes uniquement immergés dans cela qu’elle guide. »

 

Chaque fois qu’un être humain est violenté, il se déclenche en lui une réaction naturelle, hormonale, qui lui permet de répliquer instantanément en attaquant son agresseur de manière proportionnelle au tort infligé, pas plus, uniquement ce qui est nécessaire pour stopper l’agression. A ce moment-là, les deux personnes se regardent, découvrant qu’elles sont deux êtres humains égaux. Cependant, quand une victime entre dans une escalade de violence contre l’agresseur, il ne s’agit plus de la réponse naturelle à l’émotion primaire authentique. La victime est prise dans l’engrenage des réponses automatiques appartenant à l’inconscient familial, qui l’empêchent de vivre le présent et seulement le présent.

D’où nous vient cette soumission à l’inconscient familial? Lorsqu’un ancêtre laisse quelque chose d’inachevé, telle une colère non assumée, un désir de vengeance en attente, une culpabilité ou un crime non reconnus, il s’ouvre alors un champ de « compensation archaïque »: l’inconscient familial désigne un descendant pour signaler et terminer ce qui est resté sans conclusion. Dès sa conception, ce descendant est « pris en otage » par ce champ de compensation archaïque et ne peut rien d’autre que répéter le passé, jusqu’à en prendre conscience.

 

C’est lorsqu’il en prend conscience quil se sépare du passé et assume son présent, ses émotions et ses actes, sans en accuser les autres, sortant du champ de compensation archaïque et entrant dans celui de l’autonomie.

Tout ce processus est totalement inconscient. Et la vie nous envoie des situations en miroir de ce qu’a vécu l’ancêtre, pour que nous aussi nous vivions ces situations à partir du présent et de notre Adulte. Si nous vivons le conflit en adulte, en l’assumant, celui de l’ancêtre se résout du même coup, et nous nous libérons du fardeau qui nous chargeait.

Cependant, vivre en adulte est ce qu´il y a de plus dur pour nous. Il nous est plus facile d’imiter notre ancêtre que de nous placer dans le présent et dans l’adulte.

 

Le système familial demande à ses membres d’équilibrer l’échange entre donner et recevoir et, concrètement, d’équilibrer le dommage causé. Cela signifie que la victime rend le mal à l’agresseur, mais seulement ce qu’il faut pour l´équilibrer. Mais qu’observons-nous? Le sentiment de douleur, de désespoir, de peur, d’impuissance, d’abus que ressent la victime cause instantanément un désir de vengeance, de la colère, un désir de faire à l’agresseur le mal qu’il nous a fait et plus encore, de la rancoeur, de la frustration, de la haine…

 

Il est démontré de nos jours que la haine, la rancoeur, l’envie et tous les autres sentiments négatifs pénètrent dans le champ énergétique de la personne détestée, attaquant son système immunitaire. Cela veut dire que, d’une façon naturelle, nous sommes déjà en train d’équilibrer le mal reçu. Nos pensées et nos émotions nous vengent.

Lorsque nous nous en apercevons, nous avons la possibilité d’assumer notre part. Et cela nous place dans le présent et dans l’état adulte. A partir de là, nous saurons comment faire face à la situation présente.

 

Nous pouvons nous imaginer l´un de ces messieurs prédateurs économiques, politiques ou financiers en face de nous, et nous pouvons lui dire:

« Tu m’as fait beaucoup de tort.

Je te laisse à tes fidélités et à tes responsabilités.

Tu es conçu ainsi par quelque chose de plus grand. »

Et nous nous regardons nous-même, nous regardons nos sentiments envers eux:

« Je suis comme toi. »

Nous regardons notre vie:

« Je me rends compte du tort que j’ai causé. J’en assume les conséquences. Je les répare.»

Maintenant nous regardons le système familial de cette personne et le nôtre, et nous nous rendons compte que nous faisons partie d’un immense mouvement de compensation:

« Maintenant je vois ce que mes ancêtres ont fait à tes ancêtres. »

Nous regardons à nouveau cette personne et nous observons le changement qui s’est produit en nous deux. Alors nous pouvons lui dire:

« Merci d’être tel que tu es. »

C’est seulement lorsque nous nous situons comme être humain face à un autre être humain, que nous pouvons décider comment agir, tout en maintenant le respect envers ceux qui prennent des décisions qui nous font du mal.

Nous voyons alors qu’ils agissent comme ils doivent le faire, même si c’est à l’encontre de la vie, ou de notre vie simplement. C’est leur responsabilité.

Nous les remercions d´être l´instrument de notre purification et notre croissance.

Et nous assumons notre responsabilité d’aller vers la vie, en nous opposant à ce qui la diminue.

Nous sommes tous au service de la vie.

Madrid 2012